Où l’on trouve l’amorce de L’Héritage d’Hastur et de L’Exil de Sharra.

13. PIÈGE DE FEU

de Marion Zimmer Bradley et Elisabeth Waters

 

 

– … Et puisque nous sommes en morte saison et que nous n’avons pas grand-chose à faire, disait Léonie, ce sera pour vous un bon exercice de rechercher toutes les matrices abandonnées que vous pourrez trouver. Certaines sont oubliées depuis les Ages du Chaos. J’ai également entendu des rumeurs selon lesquelles Kermiac d’Aldaran formerait des travailleurs des matrices à sa façon. Ce genre de chose ne devrait pas être permis, mais les interdire serait reconnaître le Domaine, prétend le Conseil. Nous ne pouvons donc rien faire pour le moment. Plus tard… bon, assez de discours, conclut-elle. Qu’il vous suffise de savoir qu’en cela vous servez notre peuple.

Elle s’éloigna, suivie des yeux par les jeunes en formation, dont chacun espérait qu’il ou elle trouverait une des matrices perdues des Ages du Chaos, peut-être même l’une des grosses matrices-armes interdites de cette époque.

– Il paraît qu’il y en a une remontant à cette époque dans notre famille, dit Ronal Delleray. Je n’avais pas réalisé comme ce pouvait être important. Je ne crois pas qu’elle soit dangereuse ; j’ai toujours pu la toucher.

– Alors, tu devrais aller la chercher. Léonie serait contente, dit la jeune Hilary, présentement Sous-Gardienne.

Hilary Castamir avait dans les quinze ans ; mince jusqu’au dessèchement, ses cheveux roux terne et ses joues creuses attestaient de sa mauvaise santé persistante. Elle aurait été jolie n’était son air maladif. Mais même ainsi, elle avait de la grâce, et les traits fins, marque du sang Comyn qui coulait dans ses veines.

– Et si Léonie est assez contente…

Elle ne termina pas, mais Ronal sut ce qu’elle allait dire bien que, comme toutes les Gardiennes, Hilary eût appris à barricader ses pensées vis-à-vis des autres travailleurs de la Tour. Si Léonie est assez contente de moi, elle ne parlera plus de me renvoyer. Ils savaient tous qu’Hilary était une télépathe de talent insurpassable, mais que sa santé n’était pas assez solide pour le travail exigeant de la Tour, surtout pour celui de Gardienne.

La nouvelle apprentie, Callista Lanart-Alton, avait l’air encore plus frêle, mais elle ne souffrait pas des douleurs dévastatrices, pouvant aller jusqu’aux convulsions, qui confinaient Hilary dans son lit ou l’empêchaient de prendre sa place dans les relais pendant environ dix jours a chaque lunaison. Et à mesure que Callista grandissait, se rapprochait de l’époque où elle pourrait assumer toutes les responsabilités de Gardienne, se rapprochait aussi le jour ou il faudrait renvoyer Hilary chez elle, dans son propre intérêt.

Ronal était attaché à Hilary par un lien un peu plus fort que celui qui unit entre eux tous les télépathes des Tours. Bien qu’il ne fût pas le genre d’homme à imposer ses attentions à une jeune malade, qui était aussi une Gardienne, il sentait que l’effort qu’il faisait pour dissimuler son affection, même en pensée, finirait par avoir raison de lui. Léonie aimait Hilary et elle ne permettait à personne de troubler sa tranquillité. Il continuait donc à se taire.

– Es-tu d’accord pour rechercher la matrice de ta famille ? insista Hilary. Même si nous la trouvons pas, Léonie a raison, ce sera un bon exercice.

Ronal hésitait.

– Je ne crois pas que mon père voudra s’en défaire, dit-il, sachant déjà qu’il ferait ce que voulait Hilary.

– Je suis sûre que Léonie parviendra à le persuader, dit Hilary. Quand commençons-nous ?

– Ce soir ? proposèrent-ils d’un commun accord, puis ils se séparèrent après avoir fixé le lieu de leur prochaine rencontre.

 

Plus tard le même jour, Hilary et Ronal se retrouvèrent dans la salle déserte de la Tour – ils avaient décidé de ne pas déranger les autres, mais ils étaient accompagnés de Callista, qui avait accepté de les monitorer. Elle avait dans les treize ans, pas plus, et elle était grande et mince, sans aucun signe avant-coureur de sa féminité proche.

– Est-ce que je dois aller la chercher ? demanda Ronal. Je sais exactement où elle est depuis des années.

– Si tu veux, dit Hilary. Et Callista te monitorera.

– A tout à l’heure, dit-il, et il s’envola dans le surmonde.

Dix minutes plus tard, il était de retour, une matrice dans les mains.

– Je l’ai trouvée sur une haute étagère dans la bibliothèque, dit-il. Personne ne savait qu’elle était là, sauf mon père. Il paraît qu’il y en a une autre, mais elle repose sur un autel des forgerons. Mon père a séjourné quelque temps dans une Tour ; c’est ainsi qu’il a su ce que c’était. Il est allé chez les forgerons pour leur commander une épée, et c’est là qu’il l’a vue. On dit que c’est un talisman de leur déesse du feu ; mais elle est au moins du niveau neuf. Je ne sais pas si je serai de force à la prendre…

– Non, c’est un travail pour une Gardienne, dit Hilary. Léonie voudra s’en charger elle-même, je suppose, bien que je m’en sente parfaitement capable. Sauf qu’il faudrait que je sache où la chercher, parce qu’il y a plus d’un village de forgerons. En attendant, voyons ce que tu as rapporté, ajouta-t-elle, lui prenant la matrice des mains.

Le bleu de la pierre était terni par la poussière. Hilary la nettoya de la main.

– Je crois sans peine qu’elle a passé des années abandonnée dans une bibliothèque. On a dû l’oublier quand on a rappelé toutes les matrices il y a deux générations. Il était facile de ne pas la voir. Bon, voyons si elle a jamais été accordée à quelqu’un.

Elle la posa avec soin dans une nacelle et activa un petit écran. Elle garda longtemps le silence, dans les clignotements de la pierre qui jetaient des reflets sur son visage émacié, les deux autres penchés sur elle. Finalement, elle éteignit l’écran, les lumières disparurent, et elle dit :

– Je ne connais toujours pas toute son histoire, mais ça n’a pas assez d’importance pour la rechercher dans le passé. Mais elle est très ancienne. Elle a dû être faite avant les Tours – ah, oui, dit-elle, en réponse au regard stupéfait de Ronal, c’est une matrice artificielle, l’une des premières jamais fabriquées. Je voudrais bien savoir qui Va faite. Enfin…

Elle l’enveloppa soigneusement dans ses soies isolantes et ajouta :

– Ton père n’a pas refusé de s’en défaire ?

– Non, dit Ronal. Je crois qu’il n’en a pas eu conscience. Il a pris mon apparition pour un rêve. Quand il s’apercevra que je suis vraiment venu à la maison, même en esprit, il sera si obsédé par l’idée que j’aurais d’abord dû me présenter à ma mère qu’il ne me reprochera pas la perte de cette matrice avant des années – en admettant qu’il me la reproche un jour. Elle ne signifie rien pour lui, et sa place est ici. Léonie découvrira peut-être comment l’employer – et sinon, elle pourra la détruire.

– Ce qui serait plus sûr pour tout le monde, acquiesça Hilary. Tu veux aller chercher ce soir celle des forgerons ?

– Non, dit Ronal, un peu à contrecœur.

Hilary avait l’air fatigué et souffrant, et il savait que si elle se surmenait, Léonie serait furieuse. Même s’il adorait travailler ainsi avec elle, il ne fallait pas pour autant négliger la prudence élémentaire. Et il y avait autre chose.

– Léonie voudra peut-être aller la chercher elle-même. C’est une grosse matrice très importante, et il vaut peut-être mieux ne pas la confier à deux apprentis.

 

Quand Léonie apprit l’existence de la matrice de niveau neuf, elle décida tout de suite d’aller la récupérer elle-même. En conséquence, ils se retrouvèrent tous dans une salle de la Tour le lendemain soir.

– Dans quel village de forgerons se trouve-t-elle ? Je crois en avoir entendu parler – ce doit être la grosse matrice perdue. Les forgerons ne seront pas contents – qu’on la leur enlève pour l’enfermer derrière les murs d’une Tour – mais je crois pouvoir les persuader.

Ronal n’en doutait pas ; l’homme capable de s’opposer à la volonté de Léonie Hastur n’était sans doute pas encore né.

Il supposait qu’elle avait dû être d’une beauté remarquable, cette Gardienne ; mais elle avait passé toute sa vie derrière les murs de la Tour, la plus grande partie de la vie de ses parents, et, pour ce qu’il en savait, de celle de ses grands-parents. Il se surprit à se demander quel âge elle pouvait avoir ; chez certaines femmes, surtout celles de sang Hastur, passé un certain nombre d’années, il était impossible de deviner leur âge parce que, bien que n’étant pas flétries ni émaciées, il y avait quelque chose en elles qui les faisait paraître sans âge. On voyait encore que Léonie avait été belle ; c’était peut-être son seul vestige d’humanité. Elle paraissait presque irréelle dans ses voiles raides et cramoisis de Gardienne.

– J’irai, dit-elle. Surveillez-moi.

Ce disant, elle glissa hors de son corps. Aux yeux des jeunes qui la regardaient, il n’y eut pas de différence apparente, à part l’imperceptible avachissement du corps et te regard vide de ses yeux, toujours aussi bleus que des copeaux de cuivre jetés dans les flammes, mais ils savaient tous les trois qu’elle n’était plus là. Elle était allée, les dieux seuls savaient où, dans cet étrange royaume du surmonde, où l’espace et le temps disparaissent et où seule la pensée existe. Les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent, dans le surmonde, mais, sous certaines conditions, peuvent être manipulées – uniquement par la pensée.

La nuit touchait à sa fin ; au bout de très longtemps, Léonie, qui, selon toute apparence, était restée immobile dans son fauteuil, commença à remuer et s’agiter. Instantanément en alerte, Callista murmura :

– Elle ne respire pas.

Mais avant qu’elle ait pu intervenir, Léonie piqua du nez et tomba, face contre terre, toujours inconsciente mais respirant normalement.

Ronal poussa un cri et se pencha pour soulever la Gardienne, qui ouvrit les yeux à son contact.

– Trop puissante pour moi… murmura-t-elle, et elle reperdit connaissance.

Ronal emporta le corps apparemment inanimé dans la chambre télépathiquement protégée de la Gardienne. Il attendit jusqu’à ce que les assistantes de Léonie lui aient administré divers reconstituants et déclaré qu’elle souffrait simplement de choc et d’épuisement.

 

Quand il rejoignit les autres, Hilary s’était déjà installée dans le fauteuil laissé vacant par Léonie.

– Non, Hilary, objecta Ronal. Si la matrice a été trop puissante pour Léonie, qu’est-ce que tu pourras faire toute seule ?

– Sais-tu seulement à quel point elle s’est surmenée ces derniers temps ? rétorqua Hilary. C’est pour ça qu’elle s’est effondrée ; n’importe quelle autre tâche aurait eu le même résultat. Et je vais finir ce qu’elle a commencé. Il y a une matrice à trouver, c’est incontestable, et il faut nous en emparer avant que les forgerons aient le temps de la transférer dans une meilleure cachette.

Comme Ronal hésitait toujours, elle ajouta d’un ton persuasif :

– Autant agir tout de suite. Je ne serai plus bonne à rien demain, et sans doute pendant toute une décade.

– Tu devrais peut-être te reposer un peu… commença Ronal.

– Non, dit Hilary, secouant vigoureusement la tête. Ça ne se passe pas comme ça. Pour le moment, je suis emportée sur la vague d’énergie que je ressens toujours un jour avant. Autant en profiter.

Ronal haussa les épaules, désemparé ; de plus forts que lui avaient échoué à décourager une Gardienne qui s’était mis quelque chose en tête.

– De plus, si je retourne dans le surmonde immédiatement, je pourrai suivre les traces de Léonie, dit Hilary.

Ronal ne put que dire :

– Tu sais mieux que moi.

Hilary se carra dans le fauteuil, enfila un gros peignoir par-dessus sa robe de travail, remua un peu pour se mettre à l’aise, et glissa hors de son corps.

 

Hilary se retrouva aussitôt dans ce qui paraissait une plaine grise et informe, sans aucun point de repère, à part, derrière elle, la Tour d’Arilinn – pas la vraie Tour telle qu’elle apparaissait au monde extérieur, mais ce qui était une forme dématérialisée de sa structure, elle le savait. Elle constituait un repère dans le surmonde depuis des générations, et devant elle, Hilary vit des empreintes de pas qui luisaient d’un faible éclat argenté. Les pas de Léonie ? A-t-elle laissé ces traces pour moi ?

Comme elle avait eu l’intention de suivre les traces de la Gardienne, elle se mit aussitôt en route, sachant qu’elles s’estomperaient bientôt. Elle avançait sans y penser, inconsciente du mouvement de la marche, ne pensant qu’à suivre ce chemin imperceptible lui indiquant où Léonie était passée. Elle se concentra très fort sur ces empreintes, avec l’impression qu’un seul instant s’écoulait – quoique ce fût un laps de temps considérable pour les observateurs restés dans le monde extérieur – quand elle se retrouva à l’entrée d’une sombre caverne, qui faisait partie – elle ignorait comment elle le savait ; c’était peut-être une trace intangible de la pensée de Léonie – d’un labyrinthe de grottes formant un vaste réseau dans les contreforts de la montagne. Là résidait, elle le savait, l’étrange peuple connu sous le nom de forgerons.

Elle ne les connaissait pas personnellement, mais Léonie lui avait dit que c’était la première communauté de Ténébreuse à avoir maîtrisé le travail des métaux. Ténébreuse étant un monde pauvre en minerais, ils avaient, dès l’abord, été quasiment sacralisés. Il fallait de petites quantités de métal pour ferrer un cheval, assurer le tranchant d’une arme, et autres usages dictés par la nécessité, et dès le départ, il avait été indispensable d’attribuer les métaux selon le besoin et non selon la richesse. Mais la nature humaine n’avait pas perdu ses droits, et les forces économiques avaient imposé certaines accommodations aux désirs humains, qui n’avaient plus rien à voir avec le strict nécessaire. C’est pourquoi, pour diverses raisons de convenance politique, les puissants – surtout les Hastur et les Comyn – avaient jugé bon de rester en bons termes avec les forgerons. On leur avait accordé certains privilèges, surtout en rapport avec l’usage des matrices, traditionnel dès avant les Ages du Chaos. Mais même en tenant compte de ces privilèges, pensa Hilary, ils ne devraient pas conserver une matrice de niveau neuf même s’ils en ont fait un objet sacré. Elle allait la reprendre pour les Comyn et pour les Tours, où personne n’en ferait un mauvais usage s’il lui en prenait la fantaisie. Une telle matrice représentait un véritable danger pour les Comyn et pour les gens des Domaines. Et si Hilary parvenait à la récupérer, ce danger serait atténué.

A la vitesse de la pensée, le mouvement l’avait fait passer devant plusieurs forges ardentes, et, dans l’obscurité des grottes, elle commença à sentir faiblement, sans le voir, le nexus incandescent de la grosse matrice.

Au-dessus, elle sentait une ombre – peut-être pas une personne matérielle – vaguement silhouettée dans l’obscurité, la forme d’une femme à genoux, ligotée par des chaînes d’or, et entourée de flammes. Sharra, la déesse des forgerons, ici présente en image, non sur l’autel, mais si près que c’était tout comme.

Maintenant, elle voyait la pierre. Pendant les Ages du Chaos, où l’on avait fabriqué cette matrice, il était courant de les façonner en forme d’arme. Celle-ci était faite pour s’insérer dans la garde d’une de ces grandes épées qu’on maniait à deux mains. Hilary s’avança et souleva vivement la grande épée. Elle était étonnamment lourde. Dans le surmonde, elle était habituée à ne pas sentir son poids, mais un objet tel que celui-là – une matrice, elle le savait, avait forme et masse à tous les niveaux de conscience – avait poids et substance, même dans le surmonde. Maintenant, pensa-t-elle, je la tiens dans mes mains et je dois rentrer à Arilinn aussi vite que possible. Elle se retourna pour revenir sur ses pas, mais comme la matrice s’éloignait de l’autel, elle entendit un grand cri.

Sharra ! Protège-nous, grande Déesse enchaînée !

Que le ciel nous vienne en aide, se dit-elle. Les forgerons et le gardien de l’autel savaient qu’un intrus venait de toucher la matrice ! Que faire ? Sous sa forme astrale, elle ne pouvait pas lutter pour la conserver ; son seul espoir était de regagner Arilinn si vite qu’ils n’auraient pas le temps de la rattraper.

Mais dans quelle direction se trouvait Arilinn ? Perdue dans le labyrinthe des grottes, elle ne savait plus ; pourtant, il fallait retrouver la sortie. Les traces de ses propres pas luisaient encore faiblement. Elle se mit à les suivre, haletante – il y avait de la fumée et elle étouffait. Peu importait ; Callista, qui monitorait ses fonctions corporelles, veillerait à ce qu’elle continue à respirer. Elle se dit fermement que la chaleur et la fumée étaient illusoires, et elle continua bravement.

En avançant sur ses propres traces, elle prit conscience d’un rougeoiement. Ni devant, ni derrière elle ; en fait, il semblait venir de sous ses pieds. Tout en bas, à un niveau situé sous ces grottes astrales, il y avait du feu. Ils l’ont mis là pour te faire peur, pensa-t-elle, et elle s’efforça de presser le pas autant qu’elle le pouvait, sans perdre de vue la faible trace de ses pas qu’elle devait suivre pour rentrer – rentrer à Arilinn.

Sous ses pieds, le sol même commençait à brûler. Elle continua, enjambant les flaques de feu de plus en plus nombreuses, se répétant que le feu était une illusion, créée pour l’effrayer ; il n’était pas réel. Il ne peut pas me faire de mal.

Maintenant, les semelles de ses pantoufles commençaient à fumer ; elle sentit de violentes douleurs dans la plante de ses pieds. Ce n’est qu’une illusion, s’obstina-t-elle, serrant la matrice dans ses mains, avançant prudemment sur le sol de la grotte et traversant les flammes. Tout n’est qu’une illusion

Elle fut saisie d’angoisse, puis de vertige ; elle trébucha, lâchant la matrice. Avant qu’elle n’ait pu la ramasser, elle tombait en spirale, suffoquant, à travers des nappes de fumée, et se retrouva dans une chambre familière. Elle était à Arilinn, brusquement rentrée dans son corps, souffrant de brûlures sous les pieds, sous les yeux effrayés de Ronal et de Callista.

Quand elle put parler, elle haleta :

– Pourquoi m’avez-vous ramenée ? Je l’avais…

– Je m’excuse, mais il le fallait, murmura Callista. Je n’ai pas osé te laisser plus longtemps. Tes pieds brûlaient !

– Mais ce n’était qu’une illusion, non ? demanda Hilary.

– Je ne sais pas, dit Callista, se baissant pour lui ôter délicatement ses pantoufles.

La vue des chaussons noirs et calcinés leur coupa le souffle, et ils restèrent sans voix devant les pieds couverts d’ampoules.

– Tu ne marcheras pas beaucoup pendant les jours qui viennent, dit Ronal.

Hilary soupira, sentant les familières douleurs préliminaires lui poignarder l’abdomen.

– Oh, je n’avais pas l’intention de marcher beaucoup de la décade de toute façon, dit-elle. Callista, tu veux m’aider à regagner ma chambre ? Et je boirai bien une infusion de Kireseth.

 

Léonie vint la voir plus tard dans la journée. Devant son visage plein de tendre sollicitude, Hilary éclata en sanglots.

– Je l’avais presque, mais Callista et Ronal m’ont ramenée, sanglota-t-elle.

– Non, non, mon enfant ; ils ont fait ça pour sauver tes pieds – sinon ta vie. Ils m’ont dit que tu es grièvement blessée.

– Oh, pas tant que ça, dit Hilary, agitant les orteils dans ses pansements.

– Quand même, je crois qu’ils ont eu raison. Il nous faut renoncer à cette grosse matrice, du moins pour le moment. Au moins, elle est si bien gardée par les forgerons qu’aucun intrus ne pourra l’utiliser pour nous nuire, dit Léonie. Et les forgerons n’ont pas le genre de laran nécessaire pour s’en servir comme d’une arme.

Mais elle avait l’air troublé, comme par la prémonition de l’avenir.

L'Empire Débarque
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